Autant le dire, il m’a fallu
des années pour comprendre – et plus encore pour accepter – que la reprise de
Myrihandes par un nouvel éditeur relevait du pur fantasme. Même avec tous les
droits en poche et une trilogie finalisée, impossible d’intéresser quiconque. À
moins, bien sûr, d’avoir fait un carton planétaire avec le premier opus. Bref,
la série était au point mort. Il fallait me résoudre à tirer un trait dessus…
ou trouver le moyen de la faire vivre autrement.
Bien sûr, j’ai failli céder
aux sirènes de l’édition numérique. Quelques cours en ligne avec les
spécialistes de KDP Amazon et l’affaire était pliée. D’autant que j’avais eu
une première expérience plutôt positive avec eux, au moment de lancer Aetherna,
qui m’avait propulsé lauréat du speed-dating
Auteur 2014 avant d’être publié chez J’ai lu. Mais les lecteurs de
Myrihandes qui continuaient à me suivre, à espérer la suite de la saga, ne
voulaient pas entendre parler d’ebook. Et pour être honnête, je n’étais pas
chaud non plus. Le livre physique, son supplément d’âme, importait aussi à mes
yeux et je tenais à lui offrir cet écrin.
C’est ainsi que j’en suis
venu à m’intéresser au financement participatif. À ces sites mettant en
relation porteurs de projet et contributeurs. À mon grand étonnement, j’y ai
fait la découverte d’une communauté incroyablement dynamique, où le principe
gagnant/gagnant n’est pas un vain mot. C’est même le credo chez Ulule, qui
permet chaque année de faire aboutir des milliers de projets, dans les domaines
les plus variés.
L’esprit cinématographique
que j’avais toujours eu en tête pour cette histoire a trouvé ici son terreau. Grâce
au travail de la petite équipe d’artistes œuvrant à mes côtés, je disposais
déjà de musiques, de croquis et d’illustrations pour alimenter notre première
campagne destinée à redonner vie au tome 1. Avec le temps et une somme
considérable de travail, nous avons fait de cet essai une réussite. La nouvelle
édition et son album CD ont vu le jour, nous motivant plus que jamais pour continuer
l’aventure, quelques mois plus tard, avec le tome 2. Nouvelle campagne, nouveau
succès. Avec le plaisir, cette fois, de donner à lire une suite inédite, dont
les pages prenaient la poussière dans mes tiroirs depuis plus de cinq
ans !
Avec le dernier volet de la
saga, en septembre, nous avons mis les petits plats dans les grands : d’abord
avec une série d’affiches teasing révélant des couples de visages fondus l’un
dans l’autre. Les portraits ont rencontré un certain succès sur les réseaux –
Instagram en tête – et surtout, ils ont eu le mérite d’interroger. De piquer la
curiosité. Je remercie d’ailleurs chaudement les comédiens et leurs
photographes de s’être prêtés au jeu avec tant d’enthousiasme.
Nana0ups, notre
ambassadrice suivie par plus de 7000 abonnés, a beaucoup contribué à la
popularité de la saga sur Instagram. Une personne de qualité, avec qui j’ai eu
plaisir à travailler, notamment sur l’entretien vidéo
qu’elle m’a accordé. J’étais d’autant plus ravi qu’il est très difficile de
susciter l’intérêt d’influenceurs sur un projet d’autoédition. Pour en avoir
discuté avec certains, ou simplement avoir vu le message placardé en grosses
lettres capitales sur leur blog, les autoédités sont persona non grata, considérés bien souvent comme des écrivaillons
de bas-étage puisqu’ils n’ont pas su trouver leur maison d’édition.
Il y aurait tant à dire
là-dessus. Tant d’expériences nouvelles, de tentatives de faire bouger les
lignes, comme celle de Sam
Bailly, pour ne citer qu’elle. Mais passons.
Christophe Houssin, mon
compositeur depuis le tout début, a choisi de taper fort pour la musique du
trailer. Je me suis chargé de la partie visuelle et le rendu, comme nous le
souhaitions, est très cinématographique. Après tout, quand nous nous sommes rencontrés
il y a dix ans dans un petit café du 14ème, c’était dans le but de
discuter d’un projet d’adaptation pour les salles obscures !
Les illustrateurs, qui
avaient déjà fait un travail remarquable sur les précédents opus, ont retaillé
leurs crayons – ou repris leur tablette graphique – pour enrichir la saga d’une
première salve de nouveaux croquis. Cyril Barreaux, Michel Borderie, Isabel Pécot
et Stephan Degeilh ont des visions très personnelles et complémentaires de
l’univers graphique des romans. La saga y a grandement gagné en richesse et le
dernier tome comptera davantage encore d’illustrations que ses prédécesseurs.
Et puis, il y a les fans.
Les curieux qui découvrent l’histoire et font partager leur passion, leur envie
de voir l’œuvre aboutir. Certains me suivent depuis plus de dix ans. Ils viennent
souvent prendre des nouvelles, me remontent le moral, à leur insu, en m’adressant
un petit mot d’encouragement qui tombe à pic. Ils sont l’énergie de vie qui
irrigue mes forces. Je pense à Solveig, Jeffrey, Claire, Laura, Manon et tant d’autres…
C’est pour eux, quelque part, que j’ai continué à me battre et à faire vivre cette
histoire.
Cette dernière campagne,
malgré tout, a subi quelques déconvenues. En fait, je m’étais laissé croire,
naïvement sans doute, que l’originalité de notre projet, fort de deux
précédents succès sur Ulule, nous vaudrait un minimum de couverture médiatique,
en particulier de la cyberpresse spécialisée en SFFF. Qui plus est en plein Mois
de l’Imaginaire, cette toute jeune grande fête destinée à mettre en
avant une littérature de genre trop souvent snobée par la critique. Que nenni.
L’auteur hybride, un peu comme le sang-mêlé en d’autres temps, n’a visiblement
pas sa place dans le pré carré des gens du sérail. Hormis chez nos amis d’Unification
France, que je mets un point d’honneur à remercier ici, point
d’article ou de brève, malgré l’envoi d’un communiqué de presse en bonne et due
forme.
Cette indifférence, j’ai
choisi d’en faire une force. En m’appuyant sur l’énergie de mon équipe, sur
l’enthousiasme des contributeurs, de ma famille et mes amis. Tous ces obstacles
m’ont obligé à me dépasser, à me montrer toujours plus combatif, plus inventif.
À repousser des limites que je croyais déjà atteintes. Parfois, on y laisse un peu
de santé. Parfois, on a l’impression d’avoir grillé ce qui nous restait de
neurones pour une année. Mais on tient bon.
L’aventure s’est terminée ce
18 octobre. Un grand huit d’aventures et d’émotions qui nous aura tenus en haleine un bon mois. Et nous sommes fiers
du résultat : près de 6.700€ de
fonds et plus de 130 contributeurs. Un succès qui nous permettra, en plus
du reste, de financer l’artbook de la saga.
Je suis heureux,
aujourd’hui, d’avoir remporté cette bataille. D’avoir mené à bien, à la sueur
du front, trois campagnes Ulule successives sur une seule et même série de livres.
Le dernier opus et son album
verront le jour avant les fêtes de fin d’année, en parallèle du circuit
traditionnel qui continuera sans doute d’ignorer les initiatives des francs-tireurs
que nous sommes. Mais peut-être pas éternellement : comme dans la SF, les
mondes coexistent, les dimensions s’entremêlent, et on n’est jamais à l’abri
d’une rencontre du troisième type !
Cerise sur le gâteau : mon nouveau roman, « L’art de se prendre les murs », vient de sortir chez Pygmalion. Ma première incursion en terrain non fantastique, sorte d’autofiction mordante autour du conte de Peter Pan dont le personnage, Charlie Gabian, a la fâcheuse tendance à s’en prendre plein la plume face au monde réel. Un vrai défouloir littéraire, actuellement en compétition pour le Prix Joseph.